
Le titre suppose que l’attaque de l’Iran est naturelle, acquise, et que le seul débat doit porter sur le nombre d’assaillants.
Un exemple incroyable de parti pris. Bien sûr, nous ne sommes pas naïfs, nous savons que ce quotidien a choisi son camp, et ce, depuis longtemps. Mais un doute subsistait encore à cause de la forme, dite « objective ».
Aujourd’hui, même ce dernier verrou a sauté. Le Monde est mort. C’est vrai que les articles dithyrambiques sur le lancement de l’offre Free, alors que Xavier Niel, le PDG de Free, est l’un des principaux actionnaires du Monde, n’avaient pas amélioré son cas(ier).
Ne faisons pas de mauvais procès : les bidonnages du Monde avaient commencé bien avant la prise du pouvoir du triumvirat Niel/Bergé/Pigasse.

Sur le curseur, on peut dire que le quotidien était au mieux contre, au pire au cœur du pouvoir. C’est vrai qu’on ne trouve pas les lecteurs du Monde parmi les abrutis du peuple, mais soudain, 3 mois avant les présidentielles - qui seront gagnées sur les classes moyennes et inférieures - le grand journal français réalise qu’il ne connaît pas les... Français. D’où une tentative un peu paniquée d’envoyer des envoyés spéciaux un peu partout, en province, dans des villages, et surtout, parmi ces gens dont ce média prestigieux n’avait jusque là rien à battre. La tentative de rattrapage est évidemment aussi pathétique (raccrocher le wagon du peuple en dernière minute) que foirée.
Les « Français », ces bestioles curieuses, sont regardés comme des animaux un peu sauvages, qui ne maîtrisent évidemment pas les codes de la nomenklatura parisienne. Le journaliste spécialisé en sarkozysme Arnaud Leparmentier partage dans l’émission « Médias le magazine » de France5, le 12 février 2012, sa souffrance d’avoir été écarté des briefings et questions au Président de la République pendant 2 mois, suite à une question trop indépendante.
Thomas Hugues : « Arnaud Leparmentier vous avez déjà été banni entre guillemets pour une question qui avait l’heur de déplaire au Président de la République…
-Moi j’ai été banni pour avoir demandé lors de l’affaire des rumeurs sur la vie conjugale du Président et de sa femme si il comptait y réagir… »
On ne fait pas plus indépendant, n’est-ce pas.

• « Les journalistes français sont très proches du pouvoir, ils connaissent trop les gens qui sont dans le pouvoir. » Octavi Marti (El Pais)
• « Parfois je suis fasciné quand Sarkozy est face à un présentateur de télévision. Je suis gêné quand je les regarde. Tant de déférence envers lui... » Steven Erlanger (The New York Times)
Mais la honte du journalisme réel, c’est-à-dire de service public (= au service des gens), ne s’arrête pas là.
Vous avez déjà lu dans L’Organe la hargne que mettait ce quotidien à descendre scientifiquement la Russie, ses dirigeants, et sa stratégie, comme si Le Monde n’était que la vulgaire courroie de transmission de l’OTAN. Pour tous ceux qui connaissent bien un pays étranger et sa politique, le traitement du Monde est indéfendable.
Sur L’Iran, on frise la courroie de transmission de la CIA et du Mossad.
Sur Israël, c’est carrément l’inverse : on se croirait à Tel-Aviv, tellement les pages ont pour habitude de chroniquer la vie quotidienne, un peu mouvementée, des Israéliens. Nous n’irons pas jusqu’à dire que Le Monde est un journal sioniste inféodé aux objectifs d’Israël, tellement c’est évident. Sur les 10 dernières années, l’effondrement de l’objectivité du titre est flagrante. On croirait que ce journal travaille pour l’axe Atlantique, américano-sioniste, mais pas pour les Français, peuple qu’il ne connaît pas.
Bernard Lugan nous envoie la dernière illustration en date de cette dérive, à propos de l’Afrique. Après, on va s’étonner que la presse française se casse la gueule. Parce qu’on ne parle même pas du Parisien, torchon de 15 pages « effectives » torchées par plus de 200 journalistes (350 en 2008)… Mais laissons la parole à Bernard Lugan.

« En 2004 il (Jean-Pierre Chrétien) a participé à une commission d'enquête citoyenne, mise en place par l'association Survie, pour dénoncer le rôle de la France. Cela a valu à Jean-Pierre Chrétien de virulentes attaques de l'historien Bernard Lugan, ancien maître de conférences à l'université Lyon-III, proche de l'extrême droite. Ce dernier a écrit plusieurs ouvrages pour innocenter François Mitterrand, l'armée française et l'Eglise catholique au Rwanda (François Mitterrand, l'armée française et le Rwanda, éditions du Rocher, 2005). Il a témoigné en faveur de génocidaires hutu poursuivis devant le TPIR ».
Le lecteur du Monde aura retenu trois choses :
1) Je serais « proche de l’extrême droite », jugement de valeur permettant de sous-entendre que je ne suis pas crédible et donc par avance disqualifié
2) J’aurais écrit « plusieurs ouvrages pour innocenter François Mitterrand, l'armée française et l'Eglise catholique au Rwanda ».
L’emploi du mot « innocenter » a son importance car il signifie que pour MM. Ayad et Bernard, le président François Mitterrand, l'armée française et l'Eglise catholique seraient coupables ou pour le moins complices de ce génocide…
Est cité à l’appui de cette affirmation un livre datant de 2005 dans lequel je défends très exactement le contraire de ce que prétendent me faire dire les journalistes du Monde. J’y reprends en effet en la développant l’idée centrale d’un précédent livre [1] qui est que les conditions du génocide résultent de l’engagement pro Hutu de l’Eglise catholique en 1959, puis de l’obligation démocratique imposée par François Mitterrand au président Habyarimana à partir de 1990…L’on chercherait en vain dans cette problématique une tentative visant à « innocenter » le président Mitterrand et l’Eglise catholique. Quant à l’armée française comme elle a quitté le Rwanda fin 1993, soit plus de six mois avant le début de ce génocide, elle n’a effectivement aucune responsabilité dans ce drame contrairement à ce que certains obligés de Kigali cherchent à faire croire.
Les journalistes du Monde sont donc pris en défaut de « bidonnage » car :
- ils n’ont manifestement pas lu mon livre,
- ils tirent directement leurs « informations » de sites informatiques spécialisés dans les dénonciations de basse police.
- Ils omettent en revanche de mentionner un ouvrage plus récent dans lequel je fais le bilan de la question, notamment à travers les travaux du TPIR [2].
3) J’aurais « témoigné en faveur de génocidaires hutu poursuivis devant le TPIR », ce qui serait la suite logique des points 1 et 2. En effet, qu’attendre d’autre d’un « proche de l’extrême droite » qui a osé écrire « plusieurs ouvrages pour innocenter François Mitterrand, l'armée française et l'Eglise catholique au Rwanda »?
Le problème est que je n’ai jamais « témoigné en faveur de génocidaires hutu poursuivis devant le TPIR ». A quel titre d’ailleurs aurais-je pu le faire puisque je n’étais pas au Rwanda au moment du génocide et que je n’ai donc pas été le « témoin » des faits qui leur sont reprochés ? En revanche, connaissant intimement le Rwanda où j’ai enseigné et mené des recherches archéologiques durant plus de dix années, pays auquel j’ai consacré deux thèses dont un Doctorat d’Etat en six tomes, j’ai, pour ces raisons académiques, été six fois assermenté comme Expert par la Cour à laquelle j’ai remis des rapports totalisant près de 2000 pages [3]. Le document joint en annexe et qui émane du Greffe du TPIR permet de mettre en évidence la grave faute déontologique commise par les deux journalistes du Monde.
A leur décharge, il est utile de préciser qu’ils ignorent peut-être que le TPIR étant régi par les règles juridiques anglo-saxonnes, il n’y existe pas d’Experts de la Cour comme en France et que les Experts cités y sont proposés aux Chambres par les parties (Accusation et Défense). Pour chaque affaire, ces experts doivent renouveler leur accréditation, processus long et fastidieux au terme duquel ils sont soit récusés, soit acceptés et dans ce dernier cas, ce n’est qu’après avoir prêté solennellement serment qu’ils deviennent selon le terme anglo-saxon « Witness Expert ».
Le contre-sens fait par les journalistes du Monde pourrait donc s’expliquer soit par une désolante mauvaise foi, soit par une maîtrise incertaine de la langue anglaise ajoutée à des connaissances fragmentaires concernant la Common Law.
La « morale » de cette affaire est claire et elle tient en deux points principaux :
1) Nous avons ici la parfaite illustration du naufrage de la presse française qui a perdu une grande partie de sa crédibilité en raison de son Maccarthysme, du formatage et des insuffisances de ses journalistes. Cette presse militante et moribonde qui ne survit que par les aides de l’Etat et les abonnements institutionnels n’a d’ailleurs plus aucune influence à l’extérieur de sa niche écologique parisiano-conformiste.
2) Je ne ferai pas de droit de réponse et cela pour deux raisons : la première est qu’il serait caviardé et la seconde parce que je touche beaucoup plus de lecteurs et plus rapidement, avec un simple communiqué diffusé par internet. D’autant plus que nombre des visiteurs de mon blog font suivre mes communiqués à leurs réseaux, ce qui en démultiplie les effets.
Bernard Lugan 28/01/12