KOLLEKTION AUTOMNE-HIFER 2007 : LE NAZISME EST TENDANZ

Hitler par ci, Himmler par là, Mein Kampf qui frôle l’autorisation en Hollande, les derniers jours du Monstre, Eva qui danse sur du jazz nègre en se pétant la ruche au champagne, transformant le Bunker en décadente boite VIP, un docu qui donne lieu à des commentaires de mise en garde hilarants sur Arte (en substance : comment cette cruche peut-elle rire et danser alors que l’Europe meurt sous la botte de son amant pédé), le garde du corps du Führer qui ne renie rien, un des deux fils de Hans Frank, le bourreau de la Pologne, qui « hait » papa à travers un bouquin, tandis que le rejeton Mengele regrette que papounet ait servi de « bouc émissaire pour sa hiérarchie », Aloïs Brunner, recueilli amoureusement par les services Syriens, à qui le Mossad emprunte un doigt grâce à un colis piégé, Goebbels dont on ressort les mémoires, en commençant de manière indélikate par la période 43-45, celle de la chute, le doux poète Martin Bormann déclaré mort, puis agent exfiltré et « traité » par les soviétiques (lire la version incroyable de Robert Littell, le papa de Jonathan the goncouré, dans « La Compagnie » ), Dirlewanger et ses chasseurs noirs (30 000 proies au compteur), une brigade de tuerie mobile qui se lâche dans la sauvagerie et la dinguerie au point que la hiérarchie SS elle-même ouvre des enquêtes sur les fauves, Dirlewanger vedette post-mortem du livre d’un chercheur du CNRS, le géant Otto Skorzeny devenu un héros, vous savez, le Hauptmann para qui sauve les fesses de Mussolini en 1943, gros buzz et marché noir sur les livres du SS danois Sven Hassel, jusqu’à ce que ses bouquins bidonnés soient réédités, Stalingrad au ciné avec pincement au cœur côté Germania, expo itinérante à travers les villes allemandes sur les bataillons de police et l’implication de la Wehrmacht dans les meurtres de masse, pieuse réouverture des charniers d’Ukraine… y a pas à dire, le nazi est tendance.
ZIVA, PRETE-MOI TA SWASTIKA

Déjà, l’année dernière, un « créateur » de mode britannique tentait la swastika sur mannequin, ça avait fait son petit scandale pépère, un resto indien arborait la croix gammée en toute impunité (hé ho c’est un symbole local), L’Organe lançait son cultississime « Hitler est vivant » (150 000 connexions à ce jour, le plus gros fichier d’adresses IP de nazis naïfs jamais confié à la police), sans compter un référencement princier chez ces tricheurs de Google, le filsde Littell qui balance dans la flaque de la pétocharde édition française son pavé aux qualités littéraires douteuses racontant les exactions SS en URSS (« Exactions SS en URSS », un bon titre pour un polar de Gérard de Villiers, ça), 300 pages lisibles contre 600 risibles sur 900, et depuis lors, c’est l’avalanche !
Pas une journée sans que le nazi, jeune ou vieux, ne vienne pointer son nez -forcément pointu et droit- dans l’actu. Les magazines féminins révèlent que le culte des blondes provient d’une fascination pour la pureté raciale, le cinéma se complique la tronche avec La Question Humaine de Nicolas Klotz, l’histoire d’un yuppie torturé par le parallèle libéralisme/nazisme, sans oublier la référence au Lebensborn…
Dans notre système médiatico-marchand, où tout doit être vendu, surtout le scandale, où l’interdit et le tabou sont considérés comme des gisements de fric inexploités, faut pas s’étonner du retour en force du Führer et ses Freunde. C’est vrai que ces 300 fadas, grand maximum, ont foutu un bordel monstre, marquant l’Histoire à jamais, au fer rouge, pchiiii, en se lançant dans un programme de liquidation des ennemis du peuple rarement égalé à ce jour.
De l’autre côté du « Bug » (la rivière séparant en 1941 Pologne et Ukraine, pas le problème informatique), quelques années auparavant, 400 Bolcheviques surmotivés et gavés de marxisme mal digéré liquidaient les Romanov et la classe dirigeante en moins de deux (on vient d’ailleurs d’authentifier les restes royaux au milieu des douilles). Les deux bandes, précisons-le, dans deux pays exsangues.
Un retour en grâce du nazisme qui n’a pas empêché les profanateurs du cimetière juif alsacien de morfler ferme pour des graffitis mal placés. Fallait écrire un livre, bande de nazes ! Faire une BD ! Raconter l’enfance du Führer, comme Norman Mailer. C’est tendance et en plus, ça rapporte. Enfin, ça dépend de quel côté on se place.
LE LIVRE QUI BRULE LES DOIGTS

Justement, Le Monde Contre Soi, personne n’en a parlé, et pour cause.
Paul-Eric Blanrue, cette espèce d’historien, fasciné par les juifs, sort dans un silence de mort une somme sur les propos antisémites… sortis de la bouche des grands hommes. Abécédaire dérangeant à double titre: nos dirigeants, nos Lumières, nos représentants, nos génies, nos artistes ont presque tous un jour ou l’autre sorti une vanne, une vacherie, ou une saloperie sur les juifs. Chacune de ces saillies est relevée soigneusement par le patient chercheur, jusqu’à des répliques extraites du feuilleton animé South Park !
Au bout de 10 ans, Paul-Emic compile le tout et le vend à un éditeur. En l’occurrence les Editions Blanche, mais oui, l’éditeur du sulfureux Soral, l’homme par qui le scandale arrive ! Alerte ! Appelez le CRIF en urgence, c’est le 16 ou le 19 ? Le 22 ? Quelqu’un a le portable de Cukiermann ? Ah bon, il a giclé ?
Bon, en fait, rien de tout ça. Le livre et son auteur ne font pas le traditionnel tour des rédactions, ou alors sous la table. Le scandale est étouffé dans l’œuf, la diffusion demeure confidentielle. A la place de ce délicat paveton, le grand public a droit au carpet bombing du dernier Darrieussecq, la moche qui a fait Normale Sup et qui copie sur sa voisine, la grotesque polémique de la rentrée littéraire 2007. Faut pas fâcher l’establishment.
La nuit, après avoir vérifié que la porte d’entrée est bien fermée, que la pièce est clean question micros (un truc appris dans les livres sur les espions), que maman dort, les enfants aussi, on ouvre en tremblant ce livre diabolique porteur de toutes les malédictions. Et on lit.
On lit.
En fait de charge antisémite, c’est un étonnant trip dans la Culture et l’Histoire auquel nous invite Blanrue. On oublie parfois le propos, et on voyage dans le Temps. On s’instruit : tiens, le curé d’Ars a dit ça, mince, Bidule est antisem !
Evidemment, après 150 pages de profanations, le pire admirateur de Sharon est devenu un antisémite convaincu. Mais la Raison reprend vite ses droits. Non, ils ne peuvent avoir raison, tous ces hommes illustres ! Mises bout à bout, et après décantation, ces réflexions qui oscillent entre le délire le plus pur et la lucidité la plus implacable, sonnent comme une condamnation du sionisme, cette espèce de transposition politique du fait religieux juif.
Quant au malheureux lecteur, il oscille entre l’envie de brûler une synagogue et revoir en gémissant l’intégrale des Lanzmann en DVD, « Claude à Treblinka », « Claude à Sobibor », « Claude à Auschwitz », en se fouettant le dos d’une Ménorah molle, le chandelier à 7 branches.
Les lecteurs se poseront évidemment deux questions exclusives : est-ce que ce type est un nazi convaincu qui nous balance les pires déclarations sur les youpins sous prétexte de recherches historico-littéraires, ou alors un Juste qui veut lutter de toutes ses forces contre le cliché, la tendance, le réflexe antisémite ?
A-t-il blindé là une façon de s’attaquer au soi-disant pouvoir juif d’aujourd’hui, ou fait-il œuvre de salubrité publique en extirpant les mauvaises pensées des meilleurs de nos hommes ?
O comme nous avons mal à la tête.
Nous conseillons donc à nos lecteurs d'aller voir l'expo sur les fusillades massives en Ukraine munis du livre de Blanrue. S'ils passent le sas.