
Un jour, en regardant le Grand Journal de Canal+, on tombe sur la chronique d’Ali Baddou. Ali, c’est ce fils de diplomate marocain et intellectuel fort bien pensant qui officie logiquement sur France Culture et donne des cours à Sciences Po. Le 19 novembre 2007, Ali le Magique intervient pour nous livrer une information capitale :
« Et un travail qui fait écho à ce sentiment d’adolescente, c’est celui de l’artiste Linda Ellia, qui un jour tombe par hasard sur ce livre monstrueux qu’est Mein Kampf, elle sait pas quoi faire, elle ressent de la colère elle est complètement perdue, et finalement elle décide d’en arracher des pages et de les distribuer à des enfants à des inconnus à des artistes et elle invite chacun d’entre eux à peindre à gribouiller à déchirer à ngdggl, s’approprier ce livre, le résultat et saisissant, ça donne une œuvre collective qui est donc née de ce projet et qui est publiée aux éditions du Seuil, la préface est de Simone Veil. »
Nous reproduisons ici fidèlement le projet artistique et la profession de foi de cette immense artiste, qui s’est livrée cœur et âme dans une longue interview (plus de 25 cm). Un témoignage brut, émouvant, plein de fautes de français qui authentifient à la fois l'Innocence et la Pureté de son Oeuvre (pour le prix, voyez directement avec l'artiste).
Cyniques, passez votre chemin, ceci n’est pas un troll.
LE PREMIER QUI RIT EST UN ANTISEMITE

Un tableau de Linda
Je m'appelle Linda Ellia, je suis peintre et photographe .
Lorsque je me suis trouvée en possession du livre d'Adolf Hitler : Mein Kampf, les doigts me brûlaient. Je ne pouvais le garder pour moi, je devais en faire part aux autres. Comment m'y prendre pour empêcher un nouveau massacre qui engendrerait autant de mal ? Le sujet est si délicat que de nombreuses questions me traversaient l’esprit. Ce livre ne peut être consulté à la bibliothèque, sans que l'identité du lecteur ne soit relevée.
Un soir, l'idée m'est apparue : faire participer un public de tous bords et de toutes conditions, et en faire une œuvre collective. Je découperai chaque page du livre, et la distribuerai à une personne de mon choix ou prise au hasard, et cela pour les 600 pages du livre. Ces 600 intervenants représenteront plus de 6 millions de morts parmi les déportés. Le but est de manifester sur cette page l’émotion qui naîtra en chacun. Ainsi, nous referons le livre. Il deviendra : « Notre Combat ».
Chaque page que j’ai reçue m’a procuré une vive émotion. Nous vivrons ensemble cette nouvelle lecture à travers ces pages que nous réécrirons. N'hésitez pas à me contacter pour réagir et participer à ce projet. Chacune de vos idées m'intéresse.
Ce combat n'est pas un acte isolé, je compte poursuivre cette action à travers une association qui encouragera les artistes soucieux de défendre une cause. Cela s'adressera à toutes les disciplines artistiques. un lauréat sera élu une fois par an. La vocation de ce prix sera d'aider les artistes engagés à réaliser leur projet.
LE PREMIER QUI HURLE DE RIRE EST UN NAZI

Une poupée de Linda
Lorsque j’ai eu le livre d’Hitler "Mein Kampf" entre les mains, ma vie basculât. Que faire ? Me taire ? Que dire ? Comment agir ?
Un sentiment de rage, de colère m’envahit. Pourquoi tant de morts ? Tant d’injustice ? Juste parce qu’il était différent ! Et cela continue encore dans certains pays ! De quel droit une seule volonté impose son autorité sanguinaire.
Mon sommeil fut perturbé par toutes ces questions pendant plus de 3 mois.
Puis un soir, à l’aide d’un gros marqueur rouge, j’ai dessiné sur la première page, la tête d’une femme hurlant. Ensuite j’ai écrit des proses sur d’autres pages.
J’ai décidé ainsi de refaire tout le livre dans un élan frénétique. Je suis intervenue sur une trentaine de page, et je me suis vite arrêtée car j’ai pensé à vous tous et d’entraîner une poignée de personnes pour qu’elles ressentent cette sensation de vengeance, d’émotion, de jubilation, et de répulsion, face à un tel support.
J’avais l’impression d’exorciser le mal en allant l’affronter, le toucher. Transformé le livre ensemble, le détourné de son horreur. Comme si les déportés avaient le dernier mot sur leur tyran.
Je me fis violence en m’arrêtant pour vous laissez la parole.
Je pris des gens dans la rue au hasard, je leur expliquais ma démarche et ce que j’attendais d’eux : qu’ils expriment leurs sentiments face à la tyrannie, sur une page du livre. Qu’ils étaient libres d’exprimer ce qu’ils voulaient.
A part quelques réfractaires (réflexions inscrites dans un dossier nommé : "Comment taire") tous on accepté.
Cette aventure dure depuis juin 2005. J’ai récupéré 500 pages, et il me reste 100 à distribuer.
Chaque page est rendue accompagnée d’une très grande émotion partagée.
LE PREMIER QUI TENTE UNE VANNE EST UN SS TOTENKOPF

Ouhhh, ooouuuuhhhh!
Aujourd’hui, les tyrans ne s’appellent pas Hitler et les victimes ne sont pas forcément des juifs. J’aimerais que l’Histoire ne se répète plus. J’espère de tout cœur que cette étincelle d’allumage ne s’éteindra jamais. J’aimerais qu’à travers l’Art nous nous engagions sans armes et sans larmes.
Chaque page a suscité des rencontres merveilleuses, riche en émotion et en débat. Nous avons tous un point commun le même message de paix dans le monde et une incompréhension face à la barbarie.
Un rapport amical s’installe tout de suite, comme une solidarité sans frontière, sans barrière de religion, de politique. C’est incroyable, magique.... Il y eu, bien sur, des temps forts. Très fort....... Beaucoup de larmes ont coulées. Je vais vous en raconter deux très intenses.
Une inconnue au téléphone : j’ai entendue parler de votre projet, j’aimerai y apporter mon témoignage. Mais je ne pourrai emporter cette page chez moi, rien qu’à l’idée de la gardée j’en tremble. Je vais réaliser mon dessin devant vous.
Je la pris en photo et elle m’expliqua ce qu’elle faisait. Nous sommes le 5ème jour de hanoukka, j’allume la cinquième bougie avec tous les juifs du monde, je l’inscrits sur cette page : bon hanoukka en français et en arabe.
Elle rajouta qu’elle ira ce soir dans une synagogue pour le faire réellement !! J’en ai eu le souffle coupé, une grosse boule à la gorge et les larmes qui coulaient. Tant de tolérance, d’implication, de soutient de respect face à la religion de l’autre. Si nous étions tous comme ça, les guerres n’auraient pas lieu d’être, plus de folie meurtrière, et ça ne tiens qu’a ça !
Il y eu, ce jour là, dans un café, une juive et une arabe qui s’enlaçaient et qui pleuraient ensemble.
LE POEME QUI LUTTE CONTRE LA MECHANCETE

David aide Linda à lutter contre Adolf
Beaucoup de pages qui m’ont émue.
Celle de mon frère, qui a posé 6 cailloux sur sa page. Coutume qui se fait sur les tombes des juifs. Une pierre représente un million de déporté.
Un enfant a recouvert entièrement sa page de terre.
Une jeune fille a fait une ouverture au centre de la page, entourée de sang. Au dessus un cordon rouge avec un pendentif : une étoile de David. Bien d’autre encore......
J’aimerais que l’on perpétue cette action, en m’aidant à réaliser un livre par pays. Que les livres revisités, fassent le tour du monde. Que nous puissions voir ce que réaliseront les Russes, les Allemands, les Japonais, les Israéliens, les espagnoles etc....... et vis et versa. Il y aura ainsi un livre par pays. Il faudrait pour cela qu’une chaîne se forme dans le monde, à l’aide de l’association que je mettrai en place, qui s’appellera : Aile. J’espère que je verrai ce travail aboutir. J’ai lancé le premier livre, à vous de le perpétuer.
Ce travail n’est pas un acte isolé, je compte poursuivre mon action à travers, ma peinture, la photo, mes écrits, mes sculptures et mon travail de mémoire. En parallèle, j’ai travaillé la nuit. J’ai réalisé des poupées en tulles, sans bras, attachées avec de la ficelle, de la corde, du fil de fer...... J’ai rempli plusieurs blocs de dessins, que je reproduirai sur des draps.
Un poèmes m tient à cœur. Il a précédé mon idée.
Des enfants hurlent
Des femmes pleurent
Des âmes aux flammes
Des guerres aux enfers
Des êtres meurtris
A l’aube de leur vie
Des familles massacrées
Par le sacre d’un dictateur
Sans cœur, sans douleur
Dans l’horreur qui perdure
Des atrocités de la torture
Qu’un seul homme met en œuvre
Pour exterminer
Sans trace, les différences
De couleurs, de race,
A jamais envolés
En fumée.
Je ne voulais pas dépenser mon énergie à justifier ma démarche, et je ne pouvais m’arrêter de peindre. (Rater !) Mon frère découvrit les 30 premières pages dans ma chambre. Il fut troubler, m’aida à choisir les gens dans la rue. Il me présenta David Abiker (journaliste et écrivain) qui m’aida par ses précieux conseils. Me conseilla d’ouvrir un blog, et m’invita à parler de mon projet sur France Inter. Tout est parti de là, si vite.....
Je m’appellerai "Aile".
Je me suis rendue compte, bien après, qu’Aile est l’inverse de mon nom de famille : Elia. Troublant non !